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 Yves II dit "Le Grand" (1490-1512)

Yves II d'Alègre jeune Yves II "Le Grand"
Yves II "Le Grand" Yves  II d'Alègre (en 1498)

Fils aîné de Jacques, baron d'Allègre, il naquit à Allègre vers 1452. Baron d'Allègre, Saint-Just, Chomelix, Viverols, du Livradois, de Pouzzoles et Formigère (en Lombardie). Personnage d'un force remarquable et d'une taille imposante il fut surnommé "Yves le Grand". Malgré sa stature il était doté d'un caractère doux et affable ce qui lui valut des amitiés précieuses, comme celle du célèbre chevalier BAYARD (voir plus loin).
"On sent dans le regard de ces gros yeux durs et pleins d'éclats cette audace et surtout cette opiniâtreté qui sera le seul défaut qu'on ait pu reprocher au lieutenant général des armées de Charles VIII et Louis XII".
Yves II, fut aussi lieutenant général des armées de Charles VIll et de Louis XIl il est le personnage le plus marquant de la famille des Tourzel. Ses faits d'armes font de lui un des guerriers les plus connus de son époque.
..."Et afin - dit Chabron- qu'il gardat la place qu'il avoit gagnée par sa vaillance il résistoit apprement, les ennemis maintenant, se reculant un peu quand on les pressoit trop et d'autres fois après avoir rassemblé ses puissances et ralié son effort repoussant au loing ses poursuivants, étant à la preimère pointe et faisant chevaleureuses preuves de son corps, combattant luy-même et exhortant ses gens".

Yves II et jeanne de Chabannes eurent quatre fils qui tous se signalèrent, avec leur père, dans les guerres d'Italie.
Jacques d'Allègre, seigneur de Viverols, tué le 12 avril 1512 (jour de Pâques) à la bataille de Ravenne (peu avant son père).
Gabriel, qui lui succédera.
Christophe d'Allègre, seigneur de Viverols et de Beauvoir.
Jean d'Allègre fut le quatrième fils, baron de Meilhau, seigneur de saint Diéry (tué à Ferrare en 1511)
François, bâtard d'Yves II naquit à Naples avant 1512.

 

 Les guerres d'Italie


Yves II participa pendant plus de quinze ans à toutes les campagnes d'Italie sous Charles VIII et de Louis XIl souvent en compagnie de son frère François (grand maître des eaux et forêts de France) et de ses 4 fils.
 Il fut d'abord de l'expédition qui permit au roi de France de s'emparer du royaume de Naples. Ses soldats firent même la capture d'une suite de dames de haute noblesse parmi lesquelles la belle Julia Farnèse qui était "le cœur et les yeux du Saint-Père". A cette occasion, le baron d'Allègre fit preuve de son esprit chevaleresque habituel. Mais la capture était trop belle et, sur ordre du roi de France, une rançon de 3000 livres fut exigée pour leur libération, ce qui fut fait.

Yves d'Alègre participa ensuite à la campagne dans le Milanais, puis aux combats contre les Espagnols et l'armée du pape Jules II qui assiégeaient la ville de Bologne. Le baron d'Allègre s’y illustra encore : " battue par une grosse artillerie, la ville était en grand danger d'être prise. Les murailles étaient renversées. La tour de la porte d'entrée arborait une enseigne espagnole : la situation pour l'armée française semblait désespérée. C'est alors que YVES II accourut pointa lui-même un canon y mit le feu et renversa, morts ou blessés, les assaillants dans les fossés. Cet acte de courage ranima les ardeurs des soldats français et ils se rendirent maître de la situation."

 

La mort d'Yves II

Bataille-de-Ravenne
La bataille de Ravenne le 11 avril 1512

"La mêlée s’engagea avec une vigueur extrême dans la plaine étroite du Ronco. Les gens d’armes italiens tinrent peu de temps contre les gens d’armes français. Quant aux fantassins espagnols, qui se battaient corps à corps avec des sabres très courts contre les aventuriers français et les lansquenets armés de longues piques, ils eurent d’abord le dessus et disputèrent le succès ; mais des charges répétées de gendarmerie, sous les ordres d’Yves d’Alègre, parvinrent à les rompre et à les faire reculer."


Le soir de la bataille de Ravenne (11 avril 1512)


Yves II se retirait après avoir vaillamment contribué à la victoire aux côtés de Bayard et de Gaston de Foix. On lui apprend alors que son fils aîné, jeune capitaine, vient de tomber mortellement blessé dans une embuscade. Fou de douleur à l'annonce de cette nouvelle qui lui remémore le souvenir d'un autre fils tué l'année précédente, il revient au combat et se bat avec rage. Blessé sérieusement il refuse d'en tenir compte et charge une nouvelle fois. Enfin désarçonné, il tombe percé de coups mortels, ayant, comme écrit pittoresquement Brantôme "cherché son cimetière fort honorablement".
Sa dépouille mortelle fut ramenée par les rares survivants de ses hommes d'armes, dont le Seigneur de Pinet, Beraud Boutaud qui l'avait accompagné dans toutes les expéditions d'Italie. Il fut enterré dans la chapelle Saint-Yves située dans la deuxième enceinte du château d'Allègre.

Plaque tombale d'Yves II YvesII détail du gisant
Gisant d'Yves II - vue générale et détail

Yves-II gisant Yves-II gisant
Gisant d'Yves II au château de Cordès

Cette dalle tombale finement ciselée est en très bon état. Ce sont les fils d'Yves II qui l'ont faîte sculpter. Elle a été visible de nombreuses années en la chapelle Saint Yves du château. Par chance elle a échappé aux pillages très fréquents sous la révolution, surtout dans lieux de culte. Le plus incroyable est qu'elle a failli finir en marche d'escaliers (voir les explications ci-dessous).

Actuellement c'est au château de Cordès près d'Orcival (Puy de Dôme) que l'on peut l'admirer. C'est un des rares vestiges quasiment intacts qui donne une idée de la grandeur de ce que fut Allègre à l'époque de la Renaissance.

Voici ce qui est gravé autour de la plaque tombale :

MESSIRE YVES JADIS SEIGNEVR D ALEGRE SOVBS CE TVMBEAV CY FAICT SA RESIDANCE.
EN SON VIVAT DE DIEU DE CVEVR ALEGRE FVT SERVITEVR ET DES BONS ROY DE FRANCE TESMOIGN ITALIE NAPPLES ET LOMBARDIE.
DIEV A SON AME DOIT ETERNELLE VIE
MDXll  Xll JOR D AVR SUIT SON PRINCE IL TREPASSA EN LA BATAILLE DE RAVENE

Traduction : "Messire Yves jadis seigneur d'Allègre
Sous ce tombeau en fait sa résidence,
En son vivant de Dieu, de coeur allègre
Fut serviteur et des bons Rois de France.
Témoins : Italie, Naples et Lombardie.
Dieu à son âme, doit éternelle vie !
1512 11ème jour d'avril
Suivant son Prince, il trépassa en la bataille de Ravenne."

Pourquoi ce mausolée en marbre blanc n'est-il pas resté à Allègre ? Voici l'explication de Georges Paul :

On aurait pu faire une reformulation du texte ci-dessous mais il est important de rappeller que des personnes se sont intéressées de belle manière, dans un style remarquable, à l'histoire de notre village.

C'est le 5 août I946 que, procédant à des travaux de restauration au château de Cordès, l'architecte en chef des monuments historiques, M. Jean Creuzot, fut intrigué par une dalle en marbre de 2,22 mètres de long sur O,88 de large, formant marche devant l'autel Renaissance de la Chapelle et dont la rive, comportant une moulure en doucine, fait anormal pour une marche, attira son attention. Il ordonna la dépose de la dalle et découvrit ; en la retournant, un gisant sculpté en relief, provenant d'un tombeau du XVIème siècle, le tout en parfait état et d'une exécution remarquable.
Le personnage était un guerrier que l'inscription, dans la bordure de la dalle, permit sans peine d'identifier. Il s'agissait d'Yves II d'Allègre, capitaine bien connu des rois Charles VIII et Louis XII en Italie, tué en 1512 à la bataille de Ravenne, après en avoir assuré la victoire. Celui ci, revêtu de son armure avec cotte de mailles, a la tête coiffée d'une toque reposant sur deux coussins superposés. Il a les yeux clos, tandis que les mains, gantées de fer, sont croisées sur un fanion parsemé de sortes de fleurons (sortes de feuilles ou de pommes de pin - Du côté gauche, son épée autour de laquelle s'enroule une palm, à droite, en bas, son casque, et, au-dessus, un marteau d'armes, signe de commandement. Au haut de la dalle, présentant une épaisseur de 85 mm, plus 50 mm de saillie de la masse sculptée, se voient d'un côté les armes des Tourzel d'Allègre, de l'autre celles partie de Tourzel et de Chabannes, la femme du défunt étant Jeanne de Chabannes, sœur du maréchal de la Palice. L'inscription gravée sur la bordure de la dalle est exactement conforme à celle rapportée par Chabron dans son Histoire manuscrite de la maison de Polignac. "MESSIRE YVES JADIS SEIGNEUR D'ALEGRE, SOUBS CE TUMBEAU CY FAIT SA RESIDENCE , EN SON VIVANT DE DIEU DE CUEUR ALLEGRE , FUT SERVITEUR ET DES BONS ROIS DE FRANCE  TESMOING : ITALIE , NAPLBÄES ET LOMBARDIE , DIEU A SON EME DOINT ETERNELLE VIE  MDXII - XIE JOR D'AVRIL SUIVANT SON PRINCE , IL TREPASSA EN LA BATAILLE DE RAVENE"

Il s'agit donc bien du même gisant de "beau marbre blanc" qui se trouvait autrefois dans la chapelle seigneuriale Saint Yves du château d'Allègre, tombeau décrit par Chabron qui avait vu maintes fois l'effigie d'Yves II "tirée au naturel tout de son long" et accompagnée de "plusieurs Cornets", guidons (petit étendard que portait le guerrier, il servait à guider les troupes) et enseignes de ce seigneur et d'autres qu'avaient gagnés sur l'ennemy".

Le doute n'est pas permis. Reste à savoir comment et par qui ce gisant fut transporté dans la chapelle du château de Cordès ?

On pourrait croire que le maréchal d'Allègre, après l'incendie de son château entièrement détruit en I698, restaurant peu après celui de Cordès, ait eu l'idée d'y transporter certains objets existant ou mis à l'abri, lors du Sinistre, dans la chapelle Saint-Yves, laquelle se trouvait, dans la seconde enceinte du château d'Allègre, presque en face des ruines actuelles. Il n'en est rien comme nous allons le voir. On s'expliquerait, d'ailleurs, difficilement, qu'ayant transféré à Cordès le mausolée de son illustre aïeul, il ait laissé à Allègre le cercueil d'Yves II et qu'il ait fait surtout si peu de cas du gisant, allant jusqu'à le transformer en marche d'autel.
Du reste, si l'on s'en rapporte au "journal de voyage" de Dom Jacques Boyer, lors du passage du savant religieux à Allègre, le 5 mai I7I2, le tombeau se trouve bien encore à cette date dans la chapelle. "Outre la paroisse, il y a dans la place d'Allègre un oratoire dédié à Notre-Dame... Il y a une fort belle chapelle dans le château ... Il y a un mausolée de marbre, un bénitier de même qui est transparent, et une Notre-Dame de Pitié de marbre avec ce vers : "Virgo, per has lachrymas, Alacrum deffendito stirpem".
Nous retrouvons, sans exception, tous ces objets à Cordès et voici, à mon sens, l'explication de l'énigme. A la mort d'Yves V de Tourzel, la maréchale de Maillebois, sa fille, hérita, en I756, de la terre et du marquisat d'Allègre. Elle aimait à s'y rendre pendant la belle saison et y fit de longs et fréquents séjours, notamment de I745 à I755. A cet effet, elle s'était fait édifier, au pied des ruines de l'ancien château, une sorte de construction bourgeoise, assez ordinaire, décorée à l'intérieur de fresques "formant un damier au moyen de deux bandes noires et rouges de 20 cm de largeur se coupant alternativement et à égale distance sur un fond blanc" . Des fenêtres de cette modeste habitation , détruite vers I850, la marquise se plaisait, paraît-il, à admirer longuement le paysage, si bien qu'un jour, pour jouir plus complètement des frondaisons du Bois de Bar qui avaient ses prédilections, elle aurait eu l'idée de faire raser la chapelle Saint-Yves, alors en mauvais état, et qui les lui cachait ...

Auprès de la maréchale, bailli du marquisat et ayant succédé dans cette charge à François Grangier , son père, se trouvait Pierre Grangier, originaire d'Allègre, avocat en parlement à la sénéchaussée d'Auvergne, seigneur de Védière, le même qui acquit des filles de la duchesse d'Harcourt, en 1755, le château de Cordès.
C'est peu après cette date, vers I769 que "des réparations y ayant été faites inutilement et péchant par les fondements" (délibération de la confrérie des Pénitents d'Allègre du 5 avril I769). Le budget de la confrérie ne lui permettant pas de la reconstruire, ils durent l'abandonner et émigrèrent alors dans la chapelle de Notre-Dame de l'Oratoire), disparaît la chapelle Saint-Yves. Pierre Grangier dut facilement alors en obtenir les principaux ornements, non de la marquise d'Allègre, morte le 2 avril I756, mais de son fils, le comte de Maillebois, qui vendit la terre et marquisat d'Allègre, le 8 octobre I766, à Messire Claude Douet (Dans la prise de possession de ces biens, on remarque qu'il n'est question nulle part de la chapelle Saint-Yves). Car nous retrouvons dans la chapelle du château de Cordès, et l'autel Renaissance de la chapelle Saint-Yves, et la Pieta de marbre blanc et les deux statues de Saint-Laurent et de Saint-Yves avec leurs légendes : Divus Lauretius et Divus Yvo , et le fameux bénitier en "marbre transparent". Celui-ci, transformé en vasque, sert d'ornement à l'une des fameuses charmilles. Vaste conque circulaire de 90 cm environ de diamètre supporté par une colonne de marbre blanc, il est orné de huit têtes d'anges.
Le gisant d'Yves II de Tourzel fit partie du même lot et l'on s'explique mal que son nouveau possesseur ne l'ait pas mis d'avantage en évidence. Peut-être craignait-il qu'on lui reprochât de n'avoir pas respecté le mausolée et la sépulture du célèbre guerrier qui, d'après Brantôme, "avait cherché son cimetière fort honorablement à Ravenne" et dont le cercueil en plomb fut violé pendant la Révolution. A l'emplacement où il se trouvait avec d'autres, furent découverts, il y a une soixantaine d'années, (vers 1890 - NDLR) des ossements de grande dimension.
Sans doute devons-nous à ce transfert dans une région voisine de la nôtre, la conservation d'un document archéologique de première valeur. Il est toutefois regrettable que nous n'ayons pu le garder à Allègre, car c'est une fort belle pièce, moins belle évidemment que la statue funéraire de Gaston de Foix (compagnon d'armes d'Yves d'Allègre et tué comme lui à Ravenne), par La Bambaja, mais qui, avec le portrait de la galerie du Château de Beauregard, près de Blois, perpétue le souvenir de l'ami et du compagnon d'armes de Louis d'Ars et de Bayard, de celui qui fut toujours traité en supérieur par ce dernier, et qui, au dire de d'Auvigny, adoré de ses troupes, fut l'un des grands capitaines de son temps".
Georges Paul - I950

D'autres objets ayant appartenu à la Chapelle Saint Yves d'Allègre :

Autel qui fut à la chapelle Saint Yves à Allègre benitier-marbre-St-Yves-Cordes
L'autel de la chapelle Saint Yves et un bénitier en marbre blanc

Ces objets sont maintenant au château de Cordès, près d'Orcival, dans le Puy de Dôme.

Arbre généalogique des Tourzel

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